Un plan pour la reconquête de l'agroalimentaire français
- Création : 30 novembre 2014
Openagrifood, qui s’est tenu à Orléans jeudi et vendredi dernier, n’était pas un colloque comme les autres, mais plutôt un forum.
L’idée est née d’une discussion entre Xavier Beulin, président de Sofiprotéol et du syndicat FNSEA, et Emmanuel Vasseneix, p-dg de LSDH et président d’Unijus. Ces deux personnalités sont aujourd’hui respectivement président et vice-président d’Openagrifood Orléans. Leur leitmotiv : ils n'en peuvent plus de voir les parts de marché de la France s'éroder à l'international, et veulent fédérer pour que collectivement l’agroalimentaire français se donne les moyens de la reconquête.
Deux journées participatives
Sur la forme, ces deux journées ont misé sur la concertation et le participatif. Elles ont permis à des acteurs de tous les maillons de la chaîne agroalimentaire, du producteur agricole jusqu’au consommateur, de se rencontrer et de partager un état des lieux ainsi que des bonnes pratiques. « En s'appuyant sur ce que pensent les filières, nous avons voulu selon un mode participatif développer une vision prospective pour réveiller l'agroalimentaire », explique Emmanuel Vasseneix.
Le plan Agrifood 2030
Pour ce faire, le cabinet Greenflex-Becitizen a mené une étude baptisée Plan Agrifood 2030. Une quarantaine de dirigeants du secteur alimentaire ont été auditionnés, de Tereos à Triballat-Noyal en passant par Système U, ainsi que des instituts (Ifip, itavi, ITB, AgroParisTech, Inra, CTIFL, institut de l'Elevage) avec en appui l'expertise du Crédit Agricole et de FranceAgriMer.
Ce chantier a permis de partager un diagnostic sur les dix dernières années, et d’identifier les leviers d’actions pouvant mener à des scénarios de reconquête pour les filières à horizon 2030. Le pari : que les filières en décroissance retrouvent ad minima leur niveau de 2000.
Un diagnostic sans appel
Le diagnostic est sans appel. Depuis 2006, malgré de belles réussites, le secteur agroalimentaire est globalement distancé par l'Allemagne et menacé par d'autres. Soit par manque de compétitivité, soit par défaut de valeur ajoutée perçue. Parmi les principales filières agroalimentaires, l’étude montre que ce sont les secteurs bovins, porcins, volailles et fruits et légumes qui décrochent le plus.
En revanche, les filières sucre, lait et grandes cultures performent. Leurs points forts étant une bonne structuration, la présence de leaders sur le marché, des mécanismes de fixation des prix et une diversification des marchés cibles.
Pour les autres filières, si l’on fait abstraction des freins administratifs et réglementaires communs à la majorité des filières, les principales causes du déclin sont le retard de compétitivité des outils de production et de transformation, le manque de cohésion et de leadership et l’inadéquation entre l’offre française et la demande intérieure et internationale », explique Maximilien Rouer de Greenflex, qui a joué le rôle de « synthétiseur de prise de conscience ».
Les axes d'action
L’enjeu est de déterminer les axes d'action pour redynamiser le secteur agroalimentaire français. Les auditions menées par Greenflex en ont dénombré quatre :
-Créer un cadre économique propice à la croissance,
-Améliorer la performance des outils de production et de transformation
-Renforcer la cohésion entre acteurs des filières
-Rapprocher l'offre française de la demande intérieure et internationale.
Lors de la plénière de clôture d’Openagrifood, une série de huit mesures ont été soumises au vote des participants. Trois ont été retenues pour être portées par les participants :
1-Renforcer la cohésion entre acteurs des filières
Cet axe souligne le besoin de leadership pour aller de manière collective vers la compétitivité et la différenciation. Greenflex prend l’exemple des abattoirs néerlandais qui dans les années 80 ont su s’entendre sous l’impulsion des Pouvoirs publics pour identifier les outils à fermer face à une surcapacité de production. Une caisse d’indemnisation avait alors été mise en place. Résultat : la création d’un leader du porc Danish Crown, qui pèse aujourd’hui 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. En comparaison, le principal acteur de la filière française, Cooperl Arc Atlantique, affiche un chiffre d’affaires de 2,1 milliards d’euros en 2013.
Le constat : le patrimoine financier brut des Français atteint des sommets, 4 075 milliards d’euros au 1er trimestre 2014. Un réflexe d’épargne, mécanique en période de crise, mais aussi un argent mal dormant mal utilisé, faute de vision globale des priorités d’investissement à donner. Le cabinet démontre qu’investir c’est passer d’une attitude de résistance à la création de valeur. Il prend l’exemple du bien-être animal, sujet à débat en France. Les Danois l’ont utilisé comme un avantage commercial,. Après avoir réalisé des investissements progressifs dans la mise aux normes des bâtiments d’élevage, ils profitent aujourd’hui de la différenciation créée. Les poulets free range sont vendus entre 40 et 140 % plus chers que des poulets conventionnels au Royaume Uni.
Malgré une diversité et un savoir faire exceptionnels, Greenflex pointe la déconnexion des productions françaises avec les attentes des marchés. Et de prendre l’exemple Irlande, qui faisant le constat que les produits agroalimentaires irlandais étaient à faible valeur ajoutée, a opéré un changement de cap avec le programme Origin Green mis en place à l’échelle nationale. Résultat : des produits plus responsables mis en valeur avec succès à l’international.
« On en reste trop souvent au diagnostic. Là, nous avons un véritable plan d'actions », commente Xavier Beulin. Reste à faire vivre ces propositions… « Si je suis un politique malin, je regarde ce qui s'est fait à Openagrifood, et je m'en saisis pour faire une loi d'avenir en rendant les filières plus acteurs », suggère Emmanuel Vasseneix, qui annoncé le thème de la 2ème édition du Forum qui sera organisée les 25 et 26 et novembre 2015 : « A table citoyen ! ». « Un acteur qui monte en puissance, c'est le citoyen consommateur qui est entré dans le jeu des questions alimentaires. Il faut l’inclure dans le raisonnement économique », justifie Xavier Beulin.
Plus d'infos: www.processalimentaire.com