Camembert AOC : le lait cru reste obligatoire, victoire pour les petits fabricants
- Création : 11 mars 2008
La décision, qui doit être officialisée dans les prochains mois dans le cadre d'une réforme de cette appellation d'origine contrôlée, constitue une victoire pour les défenseurs des produits de terroir face aux grandes marques de l'industrie agroalimentaire.
" On est soulagé ", confie Thierry Graindorge, l'un des artisans mobilisés contre l'offensive des géants Lactalis et Isigny-Sainte-Mère qui invoquaient des raisons " sanitaires " pour réclamer l'abandon du lait cru.
Fin février, l'association de défense et de gestion du camembert de Normandie, nouveau syndicat professionnel initié par l'administration pour résoudre le contentieux, "a voté à plus de 55% des voix en faveur du maintien du lait cru obligatoire pour la fabrication du camembert AOC", a expliqué M. Graindorge à l'AFP. L'information a été confirmée par d'autres producteurs.
Suite à ce vote, une commission d'enquête de l'institut national de l'origine et de la qualité (Inao), gardien des principes de l'AOC, a émis un avis qui sera présenté à l'assemblée plénière du comité national des AOC à Paris avant l'été.
Cet avis n'est "pas public", a expliqué à l'AFP le président de l'association, Charles Perrot, un fonctionnaire du ministère de l'Agriculture choisi pour désarmorcer le conflit.
Mais " la commission d'enquête est obligée de prendre en compte l'avis de l'organisme de gestion de l'AOC ", expliquent des producteurs. Même Lactalis le reconnaît implicitement.
" C'était écrit dès le départ. L'administration nous a imposé un système dans lequel nous sommes minoritaires, et dans lequel les (entreprises) minoritaires en tonnage son majoritaires " en nombre de voix, a expliqué à l'AFP Luc Morelon, directeur de la communication du groupe. Il fait référence au nouveau syndicat professionnel, créé en 2007 pour donner plus de pouvoirs aux fromagers artisanaux comme Graindorge, Gillot, Réault ou Durand.
La " guerre du camembert " avait éclaté au grand jour en mars 2007 lorsque Lactalis et Isigny-Sainte-Mère, qui pèsent à eux deux plus de 80% de la production de camemberts AOC, avaient annoncé l'abandon "momentané" de l'appellation pour certains de leurs produits (Lepetit et Lanquetot notamment) après avoir échoué à obtenir l'abandon du lait cru lors d'une demande en urgence.
L'Inao avait dénoncé une tentative de " chantage ". Un comité de défense du véritable camembert de Normandie, créé fin avril 2007, a réuni des milliers de signatures pour " sauver le produit français le plus populaire dans le monde ".
Au plus fort de la crise, des professionnels avaient accusé Lactalis et Isigny-Sainte-Mère de vouloir faire modifier le décret de l'AOC parce qu'ils avaient longtemps triché sur le respect des critères de production, en chauffant ou microfiltrant le lait.
L'Inao a d'ailleurs reconnu l'an dernier l'existence de pratiques douteuses, tant chez les gros que chez les petits producteurs.
Pour Francis Rouchaud, secrétaire général du comité de défense du véritable camembert, " la guerre a fait du tort à l'ensemble de la profession. C'était suicidaire pour l'activité. Maintenant, il faut reconstruire ". Il se félicite d'une " avancée " qui aura des conséquences pour l'ensemble des fromages au lait cru.
La réforme de l'AOC, qui doit sceller la réconciliation des différents acteurs et refonder le lien entre ce produit mondial et le terroir, doit faire l'objet d'un décret publié au journal officiel d'ici la fin 2008.
Source : http://fr.news.yahoo.com