Les industriels de l'agroalimentaire veulent faire monter les sanctions contre les distributeurs
- Création : 2 avril 2015
Alors que les tensions restent vives entre les enseignes et leurs fournisseurs, l'examen au Parlement d'un amendement à la loi Macron donne lieu à une vraie bataille législative. Mercredi, l'Autorité de la concurrence a demandé aux distributeurs de revoir leur copie concernant les rapprochements entre centrales d'achats.
La bataille entre industriels et distributeurs se déplace à présent sur le terrain législatif. Un mois après la fin des négociations commerciales entre les enseignes et leurs fournisseurs, et alors que l'Autorité de la concurrence a invité mercredi les distributeurs à «corriger» leurs alliances, le combat se poursuit ces jours-ci au Parlement.
Il concerne un amendement à la loi Macron qui sera débattu à partir du 7 avril au Sénat. Il est défendu par Razzy Hammadi et Annick Le Loch, qui étaient l'an passé co-rapporteurs de la loi Hamon. Poussé par les industriels de la grande consommation, ce texte vise à durcir les sanctions contre les enseignes de la grande distribution en cas de pratiques illégales dans les relations commerciales. Ces pratiques illégales se traduiraient tout au long de l'année, selon les industriels, par des demandes de compensation de marges, de remises supplémentaires sur le chiffre d'affaires réalisé ou encore de rabais en dehors des périodes de promotions.
Une sanction dissuasive
Jusqu'à présent, l'entreprise mise en cause s'exposait à une amende pouvant aller jusqu'à 2 millions d'euros. Si cet amendement était voté, ce plafond serait porté à 5% du chiffre d'affaires de la filiale française de l'entreprise en question. Soit un net durcissement de la sanction.
«Cet amendement permettrait de corriger une situation spécifique à la France: il n'y a aucun intérêt pour les distributeurs à respecter la loi, déplore Richard Panquiault, directeur général de l'Ilec, qui défend les intérêts des principaux industriels de la grande consommation. Les sanctions existantes ne sont pas dissuasives!». L'Ilec estime que les espoirs de gains des distributeurs liés à ces pratiques sont 10 à 100 fois supérieurs aux risques financiers encourus…
«Le propre de toute sanction est de produire un effet dissuasif, indique le texte. Or, l'examen des relations entre industriels et distributeurs, dans le secteur de la “grande distribution”, montre que, malgré l'action de l'administration, les condamnations obtenues sur la base des pratiques abusives sur initiative du ministre de l'Économie, garant de l'ordre public économique, sont dépourvues du caractère dissuasif.»
Discours stigmatisant
Après avoir été adoptée à l'Assemblé nationale, cette proposition d'amendement a reçu un avis défavorable la semaine dernière devant une commission spéciale du Sénat. Du 7 au 14 avril, le texte sera examiné en assemblée plénière par la Haute Chambre. En cas d'avis favorable, il ferait son retour devant l'Assemblée nationale, comme l'ensemble de la loi Macron. C'est donc une étape cruciale en vue de son adoption. Or le lobbying est intense tant du côté des industriels que des distributeurs en vue de faire entendre leur voix. Les distributeurs fustigent un discours stigmatisant et rejettent en bloc les accusations de leurs fournisseurs.
Les industriels veulent quant à eux profiter d'une conjonction de facteurs qui les incite à un regain d'optimisme. L'avis de l'Autorité de la concurrence, qui demande aux distributeurs de revoir leur copie concernant le regroupement entre centrales d'achat, a redonné espoir à certains mercredi. La DGCCRF, qui a annoncé en début d'année avoir assigné deux enseignes, pourrait aussi apporter de l'eau à leur moulin. Enfin, la charge inattendue dans le Figaro de Richard Girardot, patron de Nestlé France, contre les distributeurs a fait l'effet d'une déflagration dans la profession. «Il a osé dire tout haut ce que tous les fournisseurs vivent, déclare un industriel. Il a brisé la loi du silence.»
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