L'Afrique du Nord face à la dépendance céréalière
- Création : 4 octobre 2011
>>> Les notes d’ alerte du CIHEAM - N°71 / Sébastien Abis - Administrateur et Analyste politique au CIHEAM
L’année 2011 a débuté dans un contexte de forte hausse des denrées agricoles de base, parmi lesquelles les céréales, produit plus que stratégique au sein des pays méditerranéens du Sud. Après avoir constaté l’actuelle flambée des prix alimentaires, nous entendons donc au travers de ce dossier, revenir sur la situation céréalière mondiale, et ce, pour observer plus particulièrement la fragilité structurelle de l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Egypte) sur cette question.
Des marchés agricoles volatiles et des perspectives inquiétantes pour 2011
Depuis quelques années, le marché international est marqué par une très forte volatilité du prix des matières premières, qu’elles soient énergétiques ou alimentaires. En 2007-2008, la double hausse du pétrole et des denrées agricoles de base, dont l’origine fut protéiforme (tensions internationales, mauvaises récoltes, accélération des changements sociodémographiques dans les pays émergents, spéculation financière…), avait provoqué des troubles importants dans de nombreux pays en développement.
Le début de l’année 2011 concentre de nombreux facteurs qui présagent de nouvelles turbulences alimentaires à venir dans le Monde. Ce sont évidemment les pays à plus faible revenu qui devraient être les plus affectés, mais les pays dont la sécurité alimentaire dépend en majeure partie des importations risquent également de souffrir de cette flambée des prix. Sur le plan pétrolier, les prix montent en puissance après l’accalmie observée en 2009 et au début de l’année 2010. Début 2011, le cours du brut oscille avec les 90 dollars US, soit un niveau supérieur à ceux enregistrés depuis la flambée spectaculaire de l’été 2008. Nombreux sont les analystes qui s’accordent sur un prix du pétrole élevé dans les mois à venir. Cette tendance haussière, stimulée par la croissance de la demande, pourrait être parallèlement dopée en cas de tensions au sein des zones mondiales déterminantes pour la production d’hydrocarbures, à commencer par le Moyen-Orient. |
En décembre 2010, l’indice mesurant les évolutions de prix d'un panier de céréales, oléagineux, produits laitiers, viande et sucre, mis en place par la FAO, a atteint un record absolu depuis sa création en 1990. Il s’est établi à 214,7 points, un chiffre supérieur au pic enregistré en juin 2008, le mois noir de la récente crise alimentaire mondiale. Cet indice ne fait que croître rapidement depuis le milieu de l’année 2010, et sur le plan des produits spécifiquement, on peut constater à quel point le prix du sucre par exemple s’envole ces derniers mois.
Outre le sucre et les produits laitiers qui figurent parmi les principales denrées alimentaires importées par les pays de l’Afrique du Nord, il convient de revenir davantage sur la question sensible des céréales. L’augmentation en cours du prix du blé rend la vie de plus en plus chère pour de nombreuses couches de la population de ces pays, qui consacrent encore une large partie de leur budget à l’achat alimentaire, où figurent en place centrale le pain mais aussi certains produits à base de céréales.
La nervosité des marchés couplée aux contrariétés des disponibilités céréalières mondiales, fruit de récoltes réduites (Russie, Argentine) ou prochainement mauvaises (Australie), compose ainsi une tonalité inquiétante pour les équilibres alimentaires mondiaux et donc de la zone nordafricaine notamment. Les agitations sociales qui secouent actuellement certains pays ne sont pas sans rapport avec la hausse du prix des matières premières agricoles. |