Produit agroalimentaires : Une tendance nettement haussière

  • Création : 15 janvier 2008
A l'heure du village planétaire, il ne faut plus espérer que les perturbations qui marquent les échanges mondiaux dans tel ou tel domaine sensible puissent nous laisser indemnes de toute séquelle et épargner toute trace à notre économie. Et cela alors même que l'effort de notre pays se poursuit afin de renforcer son immunité. Quels sont, dans le domaine des produits agroalimentaires, les moyens d'absorber le choc ?

Mais d'abord en quoi consiste-t-il précisément ? Et, au-delà des mesures à prendre pour préserver nos équilibres, n'y a-t-il pas aussi une opportunité à saisir ?

Depuis quelques années maintenant, on évoque régulièrement la hausse des prix du pétrole qui, au jour d'aujourd'hui, ont franchi la barre des 100 dollars le baril : une hausse constante qui a créé un contexte économique très différent de ce qu'il était auparavant, aussi bien à l'échelle mondiale qu'à l'échelle locale.

Plus récemment, et surtout depuis l'année dernière, tout un ensemble de matières premières ont, elles aussi, connu une hausse très importante sur les marchés mondiaux : une hausse qui s'est fait sentir de façon nette sur toutes les économies. C'est particulièrement vrai de ces produits sensibles que sont les produits agroalimentaires. Qu'il s'agisse de blé ou d'huile végétale, ou encore de produits dérivés du lait, à titre d'exemple, les augmentations ont été très sensibles et renvoient à des causes qui sont globalement identifiées. Certaines sont conjoncturelles, d'autres sont structurelles.

Maïs et orge : la concurrence de l'utilisation énergétique

Parmi les causes structurelles, les analystes citent en premier lieu un déséquilibre du marché en vertu duquel la demande devient supérieure à l'offre. Ce qui est lié tout d'abord au fait que des pays comme la Chine et l'Inde, dont la population est très importante, ont vu le pouvoir d'achat de leurs habitants augmenter et devenir ainsi de forts consommateurs de denrées alimentaires.

Mais à cela s'ajoute un autre facteur : des produits issus de l'activité agricole sont désormais sollicités par l'industrie en qualité de source d'énergie et exercent une pression d'autant plus grande sur l'offre existante.

Selon des données communiquées par le Conseil international des céréales, l'utilisation industrielle des céréales est passée de 108,6 millions de tonnes au cours de la saison 2000/2001 à 186,3 millions de tonnes au cours de la saison écoulée (2006/2007). Et l'on s'attend à ce que cette évolution connaisse une accentuation notable : on prévoit en effet pour la saison 2007/2008 un chiffre de 230 millions de tonnes.

Plus spécialement concernés par le phénomène, le maïs et l'orge, qui représentent respectivement, à l'heure actuelle, 178 millions de tonnes et 27,9 millions de tonnes. L'utilisation industrielle de ces deux denrées correspond à hauteur de 50% à une utilisation énergétique.

Une seconde cause structurelle se rapporte à l'impact du prix des carburants sur les frais d'exploitation des entreprises agricoles, dont le degré de mécanisation est synonyme de consommation énergétique relativement importante. Notons à ce propos que la hausse des prix des carburants se retrouve également comme facteur d'augmentation au niveau des frais de transport dans les opérations d'exportation.

Une troisième cause est relative, elle, à la suppression progressive des aides pratiquées par certaines économies et dont le principe avait été contesté dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce. Les aides apportées par les pays riches à leurs agriculteurs constituent en effet une entorse à la règle de la concurrence et pénalisent les agriculteurs des pays en développement. Mais leur suppression entraîne logiquement un renchérissement des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux. D'après les données de l'Organisation de la coopération et du développement économique, la baisse a été réelle aussi bien au niveau de l'Union européenne qu'au niveau des Etats-Unis ou encore de l'Australie. En effet, le montant des aides à l'agriculture représentait, en 1986, 3,1% du Produit national brut des 12 pays qui constituaient alors l'Union. Cette proportion est tombée en 2005 au niveau de 1,1% du PNB de l'Union, désormais composée de 25 membres. Dans le cas des Etats-Unis et de l'Australie, et pour la même période, on est passé respectivement de 1,5% à 0,9% du PNB et de 1,1% à 0,3% du PNB.

Causes structurelles... et causes conjoncturelles !

A ces différentes causes structurelles s'ajoutent d'autres causes, qui sont donc liées à la conjoncture. Il y a d'abord l'état des récoltes de pays grands exportateurs, comme l'Australie qui a produit 12 millions de tonnes de céréales en 2006-2007 contre 25 millions de tonnes qui avaient été prévues, et cela en raison de la sécheresse qui a sévi dans ce pays. En Europe et en Amérique du Nord, c'est au contraire des pluies inopportunes, intervenant en fin de saison, qui ont dégradé la qualité des récoltes et qui, dans le même temps, ont fait baisser le niveau des rendements dans les exploitations. Cela, bien sûr, n'a pas contribué à reconstituer des stocks mondiaux déjà largement entamés. D'autant que d'autres pays exportateurs, dans ce contexte, et dans le souci de protéger l'approvisionnement de leur marché intérieur, se sont mis à rendre plus difficiles les opérations d'exportation à partir de leurs territoires. C'est notamment le cas de la Russie et de l'Ukraine.

Si une telle situation est ressentie de façon égale par l'ensemble des pays de la planète, elle l'est plus durement encore par les pays en développement qui accusent un déficit de leur balance alimentaire ou qui, du moins, sont tenus d'acquérir sur le marché mondial des quantités importantes de produits agroalimentaires pour répondre aux besoins du marché intérieur. C'est le cas de la Tunisie, qui est un importateur net de blé tendre et d'huile végétale. Le contexte actuel s'est en effet traduit pour notre pays par une augmentation de la part de l'agroalimentaire dans l'ensemble de nos importations. Cet effet négatif sur la balance commerciale est également ressenti par le budget de l'Etat, ainsi que par la Caisse de compensation, du fait de la politique des prix en vigueur dans notre pays qui tend à protéger le pouvoir d'achat du consommateur moyen.

S'agissant des importations, on note que la progression de leur valeur au cours des dernières années est telle qu'elle a atteint chez nous 1.477,5 millions de dinars durant les dix premiers mois de l'année en cours, alors qu'elle n'était que de 794,5 millions de dinars pour les 12 mois de l'année 2000. Cela s'est traduit par un fléchissement sévère du taux de couverture de la balance alimentaire qui, selon les données du ministère du Commerce et de l'Artisanat, est passé depuis l'année dernière (10 premiers mois), d'un excédent de 237,5 millions de dinars à un déficit de 168,6 millions de dinars. Ce qui correspond à une évolution négative du taux de couverture de 123,7% à 88,6%.

Blé et orge : la facture des importations en hausse

La valeur des importations du blé a connu ainsi, depuis l'année dernière, une augmentation de 73,4%, passant de 230,8 millions de dinars à 400,2 millions de dinars. L'augmentation est encore plus nette concernant l'orge : 187,9%. Les importations de cette denrée qui représentaient l'année écoulée 85 millions de dinars ont grimpé cette année à 244,7 millions de dinars. Le maïs, autre denrée particulièrement utilisée pour l'alimentation animale, a connu une hausse à l'importation de 50%, avec un passage de 89,2 millions de dinars à 133,8 millions de dinars.

Concernant l'huile de soja, qui constitue la principale denrée importée par l'Etat pour alimenter le marché local en huile de graines, la facture est passée de 101,6 millions de dinars à 124,4 millions de dinars, soit une progression de 22,4%.

L'impact de cette évolution des choses sur l'effort de l'Etat au niveau de la Caisse de compensation donne lieu, lui aussi, à des chiffres éloquents et très significatifs de la pression que font subir sur un pays comme le nôtre et sur la gestion de ses dépenses les tendances haussières du marché mondial des produits agroalimentaires. Jusque dans la période du X ème Plan, l'intervention de la Caisse de compensation pour couvrir la différence entre le prix de vente des produits alimentaires de base sur le marché local et leur coût d'acquisition se situait autour de 251 millions de dinars par an. Sur ce montant, les achats de céréales représentaient 68% et ceux de l'huile végétale 25%.

Poids accru sur la Caisse de compensation

Sur la décennie 1996-2006, l'intervention de la Caisse atteignait ainsi la valeur annuelle de 0,7% du PNB. En 2007, et d'après les mêmes sources ministérielles, le niveau de cette intervention a atteint 1,3% du PNB. Soit 575 millions de dinars, contre une enveloppe de 348 millions de dinars, initialement prévue dans le cadre de la mise en place du budget de l'Etat.

Et l'engagement de la Caisse n'est pas près de se stabiliser : on s'attend à ce qu'il atteigne, pour l'année prochaine, la somme considérable de 1.055 millions de dinars.

Rappelons ici que l'intervention de la Caisse de compensation se fait actuellement à hauteur de 42 % du prix pour le gros pain, de 45% pour la semoule et de 80% pour l'huile végétale compensée.

Malgré ce contexte délicat, la Tunisie est parvenue à contenir l'inflation qui n'a été, durant les 10 premiers mois de l'année en cours, que de 2,8%. Mais il convient de relever que la situation haussière des marchés de produits alimentaires constitue une opportunité pour les producteurs tunisiens, qui ont bénéficié d'une mesure d'ajustement des prix suite à une récente décision présidentielle. C'est un premier message qu'il est possible de dégager de la situation en cours : les agriculteurs tunisiens, qui ont ainsi la possibilité de tirer parti du contexte pour améliorer leurs revenus, sont appelés en même temps à améliorer le niveau de la production nationale et à consolider les conditions de l'autosuffisance alimentaire et à mettre ainsi le pays à l'abri des perturbations des marchés mondiaux.

Le consommateur se doit de faire attention au gaspillage d'une denrée qui est désormais une denrée chère, et dont le prix accessible aux bourses moyennes parmi nos concitoyens représente cependant un coût de plus en plus important pour la communauté nationale.
 
Source : www.investir-en-tunisie.net

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