Consensus autour des tarifs douaniers à l'importation
- Création : 25 septembre 2006
Cette dernière s'est terminée tard dans la nuit de mercredi 20 septembre sur une note fort prometteuse pour les dirigeants d'entreprises privées exerçant dans la production des boissons et du sucre en Algérie.
Rachid Allalouche a réussi le pari difficile de rapprocher les points de vue des industriels et les a même poussés à trouver un terrain d'entente sur la problématique du sucre : un consensus s'est dégagé autour du maintien des tarifs douaniers actuels à l'importation du sucre, accompagné par la proposition du patron de Cevital, Issad Rebrab, également membre de l'Association des producteurs algériens des boissons (Apab), aux producteurs de boissons sucrées, les invitant à se rapprocher de son groupe “pour exprimer leurs besoins en sucre”.
Il est près de 16h lorsque le coup d'envoi est lancé pour entamer les discussions, dans la grande salle de conférences de l'hôtel Mercure.
Le décor planté est à la hauteur du rendez-vous et de la qualité des participants : propriétaires et représentants d'entreprises privées et publiques (Enasucre), importateurs, délégués et adhérents de l'Apab, directeurs au ministère du Commerce, représentants de l'Euro Développement PME (ED-PME/Union européenne), juristes, consultants et autres personnalités du monde industriel.
Outre la lourde tenture et les chaises aux couleurs rougeâtres, une table trône au milieu de la pièce, entourée de grands écrans et de caméras, et éclairée par mille lumières provenant des lustres et des projecteurs.
Des tables rondes, ponctuées par de courtes pauses, sont organisées par thème (marché de l'eau, marché des boissons et marché du sucre), afin de permettre à quatre invités de choix de s'exprimer sur le plateau, mais une fois le reportage-enquête relatif aux avis des consommateurs des produits correspondant au thème de la table ronde projeté sur les écrans.
La dernière table ronde se taillera la part du lion, puisqu'elle durera plus de trois heures, dépassant à elle seule en durée les deux précédents débats. On l'aura compris : le marché du sucre fait l'objet de “controverses” et de “divergences d'intérêts” entre les producteurs privés de boissons sucrées et Cevital, en sa qualité de premier importateur du sucre.
L'animateur situe d'emblée les enjeux entourant le produit sucre. “Nous nous sommes rendu compte que c'est la préoccupation de certains producteurs (...) et de membres de l'Apab”, dit-il, en rappelant que le sucre est “un des principaux intrants” dans les boissons sucrées. Au cours du débat, Slim Othmani, directeur général des Nouvelles conservations algériennes (NCA) de Rouiba et ex-président de l'Apab, se distinguera comme l'un des principaux industriels opposés à “la position dominante” du groupe Cevital sur le marché, voire à “l'abus de la position dominante”, affichant carrément sa préférence pour l'abrogation des droits douaniers à l'importation du sucre pour les producteurs de jus et de sodas.
Il tient à préciser qu'il n'est nullement “focalisé sur le sucre, mais sur tous les intrants” dont ont besoin les boissons.
Par cette dernière remarque, Othmani inscrit son intervention dans le cadre de la position défendue par l'association des producteurs de boissons qui, dans un document remis à la presse, pose le problème de “la flambée” des coûts du sucre, des concentrés de fruits et du granulé de PET.
L'Apab interpelle également le gouvernement sur la question des 30% de droits douaniers à l'importation prescrits au sucre blanc, en notant qu'il est “mondialement admis qu'il (ce produit) est une matière première de base”. “Pourquoi ne pas autoriser les industriels à acquérir leurs intrants de production à 0% de droits et taxes ?” s'interroge l'Apab.
Réagissant en tant que membre de l'organisation patronale, Slim Othmani va jusqu'à demander “l'arbitrage” de l'organisation mondiale des douanes (OMD), ignorant ou omettant de souligner que la réglementation algérienne s'appuie sur les règles de cette même OMD, qui différencie nettement entre les tarifs douaniers à l'importation du sucre, pour peu que ce produit est classé produit fini, produit semi-fini ou matière première.
Les quelques partisans de Othmani, présents dans la salle, se manifesteront par des applaudissements timides.À l'exception de l'avocat Mohamed Rachid Sid-Lakhdar, un ancien directeur de la concurrence au ministère du Commerce, qui préviendra contre la naissance d'un “contentieux” en l'absence de réaction du conseil de la concurrence et des pouvoirs publics.
Ces interventions ont permis au P-DG de Cevital, également soutenu par des industriels, de s'expliquer sur la place de “leader” qu'il occupe sur le marché local du sucre, lui-même tributaire des fluctuations des prix du sucre sur le marché capitaliste mondial, qui est accaparé par 4 ou 5 grands groupes internationaux.
Calmement, mais fermement, Issad Rebrab se référera aux lois de la République. Il mettra en exergue l'apport de son unité au développement national et au budget de l'État (taxes et impôts), sa souplesse envers sa clientèle et sa disponibilité à secourir Enasucre.
Les bienfaits du partenariat Cevital-Enasucre (processing) seront d'ailleurs publiquement reconnus par le P-DG de l'entreprise publique, Sekouane Boulenouar, présent à la table ronde.
Le patron de Cevital abordera en outre les raisons de “la compétitivité” de son unité, en rappelant les efforts consentis en matière d'investissements dans la logistique pour pouvoir évoluer dans un environnement encore hostile à l'entreprenariat privé.
En affirmant que Cevital, leader du secteur des huiles, des matières grasses végétales et du sucre, fait aussi face à des “contraintes”, au même titre que les autres entreprises.
Il rappellera les propositions faites aux autorités du pays, notamment pour la vente aux enchères du contingent de sucre exporté par l'UE.
Il ne s'en cachera nullement sur les décisions prises concernant les réductions des prix des produits Cevital, en référence à l'étude du marché de la consommation et à la prise en compte des “masses populaires”.
Le P-DG de Cevital évoquera, enfin, la proposition qu'il a faite à Othmani du temps où il était à la tête de l'APAB, et à d'autres industriels, au sujet de la vente du sucre liquide, à partir de 2007, à un prix moins élevé, permettant de la sorte aux producteurs de boissons de faire des économies de l'ordre de 20%. Pour ceux, dont le dirigeant de NCA, encore intéressés par l'achat du sucre blanc cristallisé, il répondra : “Nous avons aussi l'intention de vous fournir du sucre blanc... Vous êtes nos clients chéris.” Applaudissements dans une salle devenue subitement plus détendue et plus bavarde.
Il y a lieu de signaler que la présence d'un représentant du ministère du Commerce, en la personne de M. Yahiaoui, n'a pas apporté les clarifications tant attendues, surtout sur la conception locale de l'économie de marché.
Ce qui a laissé entrevoir, à tort ou à raison, un certain laxisme des pouvoirs publics, voire un certain flottement à l'échelle décisionnelle sur la vision économique et sociale d'avenir. Se disant “non outillé”,
M. Yahiaoui a cependant fait part de “l'amalgame entre pratiques concurrentielles et pratiques commerciales” dans le “patchwork” de textes de 1995. Une situation qui se dégradera de 1995 à 2003 en raison de la “léthargie avérée”. Il a, par ailleurs, avoué que “le conseil de la concurrence n'a toujours pas été installé”.
Pour conclure, il faut reconnaître que les organisateurs du forum ont superbement joué le rôle de médiateurs en marquant des points positifs là où l'Apab, une organisation professionnelle en attente depuis trois ans d'un agrément, n'a pas réussi. À savoir, le rapprochement des points de vue des producteurs des boissons sucrées et la recherche d'un consensus enfin trouvé, après un débat passionné.
Il est passé 21h40. La rencontre s'achève et laisse place aux accolades, aux poignées de main et à des discussions “privées” d'avenir...