Le poulet : un véritable enjeu économique

  • Création : 22 mars 2006
Le virus H5N1, qui continue sa progression, représente, pour les pays touchés, un risque sanitaire, mais aussi économique. Baisse de la consommation, embargos, abattages de volailles et fermetures d'élevages : après l'Asie du Sud-Est, c'est aujourd'hui l'Afrique et l'Europe qui s'interrogent sur l'avenir de leurs filières avicoles. La grippe aviaire devrait renforcer les tendances actuelles du marché : augmentation du poids du Brésil et développement de l'élevage industriel.

Selon le GIRA, un cabinet d'étude et de conseil spécialisé, la production mondiale (80,3 millions de tonnes équivalent carcasse) était en hausse de 3 % en 2005. Après un ralentissement en 2004, dû à la présence de la grippe aviaire en Asie du Sud-Est, la consommation s'est redressée. Les échanges se sont inscrits en hausse, à 7,55 millions de tonnes (+ 11,2 %), alors que l'année précédente avait été marquée par la mise en place d'embargos.

Parmi les gros exportateurs, seule l'Union européenne (UE), qui ne pèse plus que 13 % du commerce mondial de volaille, contre presque trois quarts pour les Etats-Unis et le Brésil réunis, enregistre un recul, selon le rapport 2005 de l'Office français de l'élevage (Ofival). Face à la vive concurrence de ces deux pays ou encore de la Thaïlande, les exportations de l'UE reculent sur ses marchés traditionnels (Proche et Moyen-Orient, Afrique subsaharienne) et les importations augmentent, notamment sous forme de produits transformés, ce qui traduit "une certaine perte de compétitivité", analyse l'Ofival.

Le Brésil a été pour la deuxième année consécutive premier exportateur. C'est le principal bénéficiaire de l'influenza aviaire en 2004 et en 2005. A court terme, selon Maryse Saboulard, chargée de la mission d'aide à l'exportation à l'Ofival, la grippe aviaire pourrait continuer à lui profiter, tout comme aux Etats-Unis.

Mais ces pays pourraient être touchés prochainement par le virus et les baisses de la consommation mondiale, faire ralentir leurs exportations. Le mouvement est amorcé : selon l'Association brésilienne des exportateurs de poulet (ABEF), les ventes à l'exportation de viande de poulet ont baissé de 8 % en février par rapport au même mois de 2005. "Au début de la crise en Asie, nous avons constaté une baisse de la consommation. Aujourd'hui, son impact est moindre. Cela devrait aussi se banaliser dans le reste du monde", prévoit Mme Saboulard. En février, la FAO (Food and Agriculture Organization) a réduit de 3 millions de tonnes ses prévisions de consommation pour 2006.

Ici ou là, l'abandon des élevages familiaux au profit d'usines modernes et mieux sécurisées semble inévitable, même si la question fait débat. En effet, selon un rapport de l'organisation non gouvernementale Grain, rendu public fin février, les élevages industriels seraient les grands responsables de la crise. "L'expansion de la production avicole industrielle et des réseaux commerciaux ont créé les conditions idéales à l'apparition et à la transmission de virus mortels comme la souche H5N1 de la grippe aviaire", note le rapport. Grain s'en prend du coup à la FAO, accusée de soutenir la restructuration en insistant sur les risques de l'élevage familial.

En Europe, l'impact devrait être limité pour les producteurs, moins fragiles qu'ailleurs mais très inquiets des pertes de parts de marché. En France, la production se situe désormais sous le seuil des 2 millions de tonnes. Pour les exportations, 2005 constitue la septième année consécutive de baisse. Après les mesures d'embargo sur la volaille française, les politiques sont venus au secours de la filière en vantant les mérites des mesures de sécurité prises dans l'Hexagone. L'enjeu ? Que d'autres ne saisissent pas l'occasion pour occuper définitivement le terrain.

Mais là encore la grippe aviaire ne pourrait qu'accélérer les choses. La vocation exportatrice de l'UE est, à terme, condamnée. "Les exportations sur pays tiers sont en grande partie conditionnées aux aides à l'exportation. Or, dans le cadre de l'OMC, celles-ci sont vouées à disparaître", rappelle Mme Saboulard.

Source : Le Monde

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